La relation duelle en psychothérapie, une démarche dense et engagée pour chacun des protagonistes

Pour commencer, il est important de rappeler que les psychologues/psychothérapeutes ayant reçu une formation universitaire de psychologue clinicien, donc majoritairement des enseignements en psychopathologie, ont le plus souvent un cursus issu de la démarche freudienne ou lacanienne, selon l’obédience de l’université. Rappelons que d’autres courants théoriques psychanalytiques existent également.

Selon moi, le psychologue clinicien psychothérapeute est un spécialiste du fonctionnement psychique humain, et pour le devenir, il a suivi lui aussi un cheminement personnel en analyse, afin notamment d'entreprendre un travail de connaissance de soi et de prise de conscience aiguë, de la souffrance des autres et des relations transférentielles et contre-transférentielles en cours dans un travail psychothérapeutique. 


Originalité de la pensée de Freud:

Aujourd’hui, je vais revenir sur la démarche freudienne.
Rappelons que Freud au départ était issu du milieu médical, il était neurologue.
La force et l’originalité de la démarche de sa pensée pourrait s’apparenter à la démarche du poète.
Dans sa démarche de recherche, il a une manière très personnelle de se mouvoir d’un espace à l’autre, constamment, il passe d’un espace de pensée à un autre.

Il passe du plaisir de l’enfance au sérieux de l’adulte, il migre du visuel, au virtuel, du quotidien au spéculatif.
Dans ses écrits, il parvient à mêler science et poésie, occupant une oscillation riche, 2 positions les sciences et la poésie que pourtant sa formation de chercheur l’engageait à séparer.
(une position de savant et une position d’artiste)


Dans une lettre à Ferenczi, il résume son processus de création en le décrivant comme étant la succession d’un jeu audacieux de la fantaisie et d’une impitoyable critique au nom de la réalité.


Freud partage avec les écrivains et les inventeurs cette capacité créatrice à apprendre et savoir accueillir l’improbable, à ne pas rejeter l’incohérent, le singulier, ni même l’insignifiant.
Il est toute sa vie tiraillé entre l’art et les artistes qui le passionnent et la psychanalyse qu’il considère comme une science dure.


Cependant, tout au long de son œuvre, il fait appel à la démarche romanesque et poétique pour expliquer et définir son travail scientifique en mots, et de mise en sens.
Il prend toujours soin d’expliquer quelle est sa réaction affective à l'égard de la personne ou du texte qu’il analyse.
Dans cette oscillation entre science dure et littérature, il se défend.
Il pensait conduire une exploration de l’inconscient comme ses maitres en médecine lui avaient appris à disséquer, mesurer, observer le visible, mais le voilà contraint de se faire romancier, poète, d’exprimer ses ressentis, de dévoiler parfois ses affects.


Il aime les géants de la littérature, Omer, Shakespeare, Servantès, Goethe, Dickens, Balzac, Dostoïevski, Stefan Zweig.

Jung est Fondateur de la psychologie analytique et penseur influent, il est l'un des premiers disciples de Freud puis il va suivre son propre chemin. 

Dans ses ouvrages, il mêle aussi réflexions métapsychologiques et pratiques à propos de la cure analytique.

"Celui qui regarde à l'extérieur rêve ; celui qui regarde à l'intérieur se réveille."

Dans sa correspondance, Jung écrit aux étudiants qui lui demandent des conseils sur les études de psychologie.
Il leur répond en filigrane que les livres et la théorie sont indispensables, mais sont un ingrédient parmi beaucoup d’autres tout aussi important pour apprendre à écouter l’autre, de cette écoute si particulière.
Carl Gustave Jung dans « les correspondances »
« Dans les livres, vous pouvez apprendre beaucoup de choses sur la psychologie, mais vous découvrirez vite que cette psychologie ne sert pas à grand-chose dans la vie pratique.

Toute personne chargée de s'occuper des problèmes de l'âme devrait posséder une certaine sagesse de la vie, reposant non seulement sur les mots, mais surtout sur l'expérience.

La psychologie telle que je la comprends n'est pas seulement un quantum de savoir, c'est aussi une connaissance de la vie.

Si tant est que l'on puisse inculquer une telle connaissance, ce n'est possible qu'à partir d'une expérience personnelle de l'âme humaine, et cette expérience ne peut être acquise que par un enseignement personnel, c'est-à-dire individuel, et non collectif.
(......)

Connaître la face obscure de sa propre âme est la meilleure préparation qui soit pour savoir comment se comporter face aux parties obscures des autres âmes.

La simple étude des livres ne vous servirait pas à grand-chose, bien que ce soit aussi indispensable.

Ce qui vous aidera le plus, c'est de pénétrer personnellement dans le secret des âmes humaines. Sans cela tout ne sera toujours qu'artifice intellectuel ingénieux, paroles creuses et discours creux.

Peut-être, essayez-vous de comprendre ce que je veux dire dans mes livres ; si vous avez un bon ami, essayez donc de regarder ce qui se trouve derrière sa façade afin de vous découvrir vous-même. Ce serait un bon début ».


C’est la vision de Jung ici décrite, il y en a beaucoup d’autres parmi les professionnels qui ont écrit à ce
sujet. (je pense qu'on ne lit jamais assez...) ce qui semble important à saisir c'est combien l'intuition et le ressenti mêlés a ses connaissances dans cette science sont importantes dans la démarche du psychologue. 


Démarche du psychologue clinicien / psychothérapeute :

En tant que clinicienne, je constate bien sûr que la pensée de Freud ne peut se résumer du fait de la pensée complexe de l’homme, mais les paradoxes dans lesquels il a pu se trouver embarqué en tant que chercheur, je les retrouve dans le travail psychothérapeutique en tant que psychologue clinicienne.
En effet, nous cherchons en nous-même et avec le patient.

Il paraitrait même que les méthodes et "l'imagerie mentale" que traversent les comédiens de théâtre, dans le vécu et l'expérimentation des émotions qu'ils soutiennent pour exprimer un rôle, seraient "analogues " en beaucoup de points au vécu et aux traversées du psychologue, en séances. Le comédien traverse des émotions fortes et fait appel à son imaginaire et à des "paysages" pour incarner le rôle, le psychologue fait appel aussi, à ses images et à son référentiel personnel pour soutenir et aider. 
Les références multiples issues de notre parcours de vie, mais aussi de la littérature, de la poésie, des voyages, de la peinture, de la musique, du cinéma, du théâtre, de la culture radiophonique, de la philosophie vont nous permettre d’osciller entre notre bagage scientifique et notre « savoir-être », pour ainsi accueillir l’improbable et la singularité du patient.

Freud portait des contradictions dans sa pensée, il doutait, avait une pensée non pas linéaire, mais circulaire (prise en compte de l’inconscient)« des boucles de temps » avec des analogies riches qui nous renvoient aux sciences physiques.
Il revenait sur sa théorie.
C’est une démarche intense et engagée, de cet engagement dans lequel nous sommes nous même conduits dans notre travail, avec notre psyché auprès des patients.
Jung lui-même, grandement intéressé et influencé par les découvertes de Freud a écrit ;
« ... une pensée qui ne renferme pas une légère contradiction n'est pas tout à fait convaincante ».

Être psychologue clinicien, c'est réfléchir à ce qu’est l’individu, avec lui, dans un certain cadre, un cadre qui « contient » et « soutient » le patient, dans un monde ou tout est relatif, tout est doute et remise en cause.
Nous rencontrons les personnes à un moment difficile de leur vie, (changements de vie, deuils, crise de vie, épisode dépressif, séparation, maladie, envie de changer, douleur à vivre un événement douloureux pour soi, être une meilleure version de soi, envie évoluer etc etc).
Venir en psychothérapie est un processus qui convoque la présence de l’autre dans son humanité la plus concernée, la plus engagée.
Le travail intérieur, avant la verbalisation en séance, peut être angoissante, c’est pour cela que le psychologue clinicien est là, dans une présence indéfectible et soutenante.

La verbalisation peut être angoissante, car avant, il y a" la mentalisation ". Elle peut réveiller des vécus douloureux. Ce qui va soutenir et aider est que la verbalisation y succède et que dans ce temps-là, le patient sera soutenu par la psychothérapeute, sa présence singulière, son écoute  

On pense que la mentalisation s’est construite ainsi :

Elle découle de l’intériorisation chez l’enfant des capacités des personnes, qui en prennent soin, de se représenter les processus mentaux de l’enfant de façon cohérente et juste, et de refléter les états affectifs de l’enfant de manière soutenue, nuancée, spontanée, appropriée et en temps opportun (Fonagy et al., 2002).

Dans cette expérience de la psychothérapie qui vient re-convoquer ces sensations, et souvenirs, il y a l’expérience du doute et de la souffrance pour s'en libérer, sans être seul. 


Il y a Le contenu manifeste du discours et le contenu latent..... il y aura 2 discours, le bruit du discours (le contenu manifeste) avant le récit singulier (le contenu latent).
Nous sommes à l’écoute des deux avec un faible pour le 2ᵉ discours....., dans une attention flottante.
C’est celui-là qui nous intéresse.
Ce contenu latent, celui qui donne à voir sa force et la matérialité de son désir, de ses capacités à « s’ancrer » dans la vie, à sublimer sa vie selon sa singularité.

« Partout ou je suis allée, un poète était allé avant moi » Sigmund Freud

Cette relation duelle : 

De mon point de vue, comment je vois cette place particulière.

D’abord, un certain nombre de chercheurs (Fonagy et al., 2002) ont démontré que la capacité de mentaliser est une composante essentielle d’un attachement confiant, alors que des déficits de mentalisation sont liés à l’attachement incertain, méfiant, désorganisé.

Cette habileté de mentalisation se fait du côté du patient, la restitution par le langage, les mots vont dérouler au fur et à mesure dans une confiance en coconstruction entre le psychothérapeute et le patient. Ce lien en devenir entre les 2 protagonistes, dans les méandres des mots du patient, soutient au fur et à mesure le patient afin de lui permettre la construction d'un attachement "plus sécure"

Le psychothérapeute soutient, là où il y a eu dans le passé, du vide, trop de silence, d’absence ou d’incohérence dans le discours des figures tutélaires des premiers liens d’attachement.

C’est dans ce cadre que les deux, psychothérapeute et patient auront une influence sur l’alliance thérapeutique, le processus et l’issue de la psychothérapie.

Il est donc particulièrement important, pour les individus qui ont vécu des traumatismes ou des pertes précoces de liens d’attachement significatifs, de repérer et de développer les voies qu’ils possèdent et par lesquelles les capacités de mentalisation ( en lien avec le psychologue)  pourront se développer en psychothérapie.

Le psychothérapeute joue un rôle actif dans son attitude et sa présence à soutenir le patient à trouver cela par lui-même. (développer les voies que le patient possède pour re-construire en soi cette sécurité intérieure)

Et on sait que cela passera pas « le liant » du langage.

Conclusion :

Nombreux sont les psychothérapeutes qui ont crée une façon singulière de mener leur travail auprès des patients.

Freud a été le premier à formuler l’importance de la relation d’attachement au thérapeute (1913).

Pour Carl Rogers, le processus thérapeutique se crée du rapport que s’établit et se maintient avec le patient. Être authentiquement lui-même à chaque instant face à son patient était le plus important pour lui.

La relation d'aide comme il la soutient se fonde sur l'optimisme et la confiance dans les potentialités évolutives de chaque individu, malgré la souffrance psychique. 

Pour Bowlby, le rôle principal du thérapeute est de « fournir au patient une figure d’attachement temporaire » (1975, 291).

L’hypothèse est que le système comportemental d’attachement — par lequel il désigne la propension innée des jeunes enfants à rechercher la proximité et les soins d’un membre adulte de l’espèce — est actif à travers tous les cycles de vie, surtout dans les situations, par exemple, une personne malade et en détresse cherche la protection et le contact avec une personne plus âgée ou plus sage.

Pour Irvin Yalom ce qui constitue la psychothérapie réside dans le lien, l’engagement personnel que le thérapeute instaure avec son patient dans cette relation.
Son rapport avec le patient inclut sa propre personnalité, son authenticité profonde.

Pour, Susan Johnson la relation entre le psychologue et le patient constitue la psychothérapie.

Pour elle, il y a un grand engagement du psychothérapeute à l'égard du patient.

 

Texte en cours de Christelle Bausson